Nous avons quitté la famille d’Enli au bord du lac Atitlán pour une nuit chez celle de Catalino dans le petit village de San José Calderas.
Nous ne sommes pas venus ici par hasard. Catalino habite au pied du volcan Acatenango, une étape quasi obligatoire au Guatemala. De nombreux voyageurs que nous avons rencontrés, notamment au Mexique, nous ont parlé de cette expérience incroyable. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons ajouté ce pays à notre liste (avec Semuc Champey).
Via son association Asoava, Catalino organise des randonnées pour gravir le volcan, qui permettent de faire vivre dix-sept familles du village. Il est très fier de soutenir la communauté locale avec ce projet qu’il a lancé en 2014. Catalino est un agriculteur amoureux de la nature et de sa région, toujours enjoué. Il a l’énergie d’une pile électrique ! Impossible de ne pas rire ou sourire à ses côtés. Sa rencontre a instantanément atténué la fatigue du trajet.
Cette expérience est proposée par de nombreuses entreprises et associations autour d’Antigua. Ce n’est pas toujours évident de savoir si on fait le bon choix car les prix varient beaucoup aussi. Nous avons choisi Asoava qui nous a été recommandée par une connaissance passée par-là quelques mois plus tôt. Nous étions contents de pouvoir dormir chez le guide et de rester en immersion dans une famille. Quand Catalino nous a expliqué les impacts de son projet sur l’économie de son village, nous avons compris que notre choix était le bon.
Le dîner en famille était loin d’être intimiste puisque nous étions treize randonneurs à dormir chez Catalino mais j’ai beaucoup aimé ce moment de partage qui a amorcé une bonne cohésion de groupe pour l’ascension du lendemain matin. Arrivés en pleine coupure d’électricité, nous nous sommes éclairés et réchauffés avec un petit feu de camp et quelques chamallows grillés dans la cour de la maison. Nous avons fait connaissance avec les huit autres français, un italien, une brésilienne et un néozélandais. Une fois l’électricité revenue, nous avons partagé un bon dîner tous ensemble avec un chocolat chaud maison (pâte de cacao fondue dans de l’eau). Catalino nous a expliqué le déroulé de la randonnée et les projets de son association. Après nous être levés à 4h le matin même, nous étions très fatigués, j’avais hâte d’aller dormir !



Je me suis écroulée et j’ai dormi comme un bébé jusqu’au réveil. Nous avions rendez-vous à 7h45 pour prendre des forces avec un petit-déjeuner typique : œufs brouillés, pâte d’haricots rouges, pain et guacamole. Nous avons fait nos sacs et l’équipe de Catalino nous a distribué le matériel : gants, bonnet, manteau, bâtons de marche et sac de pique-nique. Pour la tenue de marche, je voulais à la fois être à l’aise et couverte. J’ai porté tous mes vêtements techniques en laine mérinos : le collant (avec un short en toile par-dessus), le T-shirt et le sous-pull. J’avais aussi prévu ma polaire, un pull classique et un jogging pour rester au chaud sur le camp. Spoiler alert : j’ai utilisé toutes mes couches. Il fait froid en haut !
La marche a commencé vers 9h30, sans trop de transition entre le plat de la route bitumée menant à l’entrée du parc et la pente des premiers chemins de terre. Au bout d’une demie-heure, je me suis sentie un peu essoufflée. J’ai sorti la Ventoline de mon sac pour la garder près de moi et j’ai mesuré l’ampleur de ce que je m’apprêtais à faire. Gravir le troisième plus haut volcan du Guatemala et d’Amérique Centrale, culminant à plus de 3900 mètres d’altitude.


Pour ceux qui ne le savent pas, je suis asthmatique depuis toute petite et je peux aléatoirement avoir besoin d’une dose d’inhalateur pour mieux respirer, après un effort ou même un fou rire. Ça ne prévient pas mais ces derniers temps ça allait beaucoup mieux. C’est d’ailleurs l’une des premières fois du voyage où j’ai eu besoin d’en prendre. Je ne voulais pas me dire que j’étais mal partie et me décourager si vite. Trêve de bavardages, on aura tout le temps en haut pour discuter et rigoler. J’ai repris mon souffle et je me suis concentrée pour respirer et avancer à mon rythme. La montée était bien rude, le bâton de marche était un outil précieux. J’ai cru abandonner et faire demi-tour au bout de deux heures… Et je me suis rappelée que j’étais venue au Guatemala pour vivre cette expérience, que je n’aurais peut-être pas d’autre occasion d’approcher de si près un volcan en activité. Et j’aurai été tellement déçue de ne pas aller au bout. Alors je me suis ressaisie. C’est fou comme le mental peut prendre le dessus sur le corps ! Je reprenais des forces pendant les pauses : bien s’hydrater et un peu de sucre pour le carburant. Nous avions prévu quelques provisions, une mangue coupée en morceaux dans nos supers contenants pliables et des gâteaux. Nos trois guides étaient très professionnels, ils ont su s’adapter à chacun tout en gardant l’ensemble du groupe uni.
À midi, nous avions fait un peu plus de la moitié du chemin. Nous avons pris une heure pour déjeuner. Au menu : poulet, riz et légumes vapeur, cuisinés par l’une des dix-sept familles impliquées dans le projet.

Au même moment, les rayons du soleil ont réussi à percer la brume et l’humidité ambiantes et nous avons enfin pu apercevoir le bleu du ciel. Quand nous avons repris l’ascension, le paysage de montagne a commencé à se dessiner plus distinctement : reliefs, grands pins et enfin… le pic du Fuego au loin dans les nuages ! C’est aussi ça qui est magique dans cette expérience : cinq heures de montée sans savoir s’il y a de la visibilité en haut. Tout remettre entre les mains de notre imprévisible Mère Nature (et miser un peu sur la chance).



Nous sommes arrivés au campement situé à 3700 mètres d’altitude vers 14h30. Et la récompense ne s’est pas faite attendre : le Fuego nous a accueillis avec une succession de nuages de fumée. C’est l’un des volcans les plus actifs du continent. Comment ne pas être émerveillé ? C’est là qu’on se dit qu’on n’a pas souffert pour rien et qu’on est heureux d’avoir atteint notre but. D’ailleurs, malgré l’altitude, je n’ai plus eu besoin de ma Ventoline après l’épisode essoufflé du début. C’est aussi une petite victoire pour moi.



Après deux petites heures à admirer le spectacle, les cinq plus valeureux du groupe sont repartis en vadrouille, direction la crête du Fuego pour voir les éruptions de plus près. Eh oui, qui aurait cru que j’en ferais partie ? Après avoir tout donné pendant plus de cinq heures, j’ai enchaîné sur une deuxième randonnée, pas peu fière d’autant me surpasser. La montée du Fuego était plus courte (1h30) mais beaucoup plus difficile car bien plus inclinée. Malheureusement, à mi-chemin le ciel a commencé à se couvrir et à occulter le pic du volcan… On a fait deux pauses longues en espérant le retour de meilleures conditions. Pendant la deuxième, pratiquement en haut, le vent s’est levé, il faisait de plus en plus froid et on recevait beaucoup de poussière sur nos visages. Impossible de poursuivre. Nous avons dû faire demi-tour à la tombée de la nuit sans avoir pu voir ce que nous étions venu chercher… Mais ça fait partie du jeu. On se tenait les uns aux autres pour résister au vent et ne pas vaciller. C’était aussi une question de sécurité.


En rentrant, un bon dîner chaud nous attendait autour d’un feu de camp. Nos compagnons restés au campement n’ont pas pu profiter de la vue non plus, la brume et les nuages s’étant imposés sur l’ensemble du panorama. Le ciel s’est de nouveau dégagé dans la soirée et nous avons enfin pu voir quelques explosions de lave et de fumée. Heureuse mais gelée, je me suis couchée très tôt en rejoignant la tente vers 21h30. Contrairement à d’habitude, les explosions étaient très espacées. En effet, le volcan était en phase d’accalmie depuis une forte explosion ayant entraîné l’évacuation des villages alentours une dizaine de jours auparavant pour éviter un drame aussi meurtrier qu’en 2018. Certains voyageurs ont eu la chance de pouvoir entendre des explosions et voir des coulées de lave beaucoup plus impressionnantes, avec une fréquence très réduite pouvant atteindre tous les quarts d’heure.


L’expérience ne s’arrête pas là puisque vers 3h30 du matin, les guides nous réveillent pour reprendre l’ascension et admirer le lever du soleil depuis le sommet. Environ deux cents mètres de dénivelé et une bonne heure de marche difficile, nous ont-ils prévenus. Seuls trois courageux se sont motivés. Cette fois-ci, nous n’en faisions pas partie. Fatigués de tous les efforts de la veille et notamment l’ascension vaine sur la crête du Fuego, nous avons décidé de rester au camp pour nous reposer. J’avais quand même mis mon réveil à 5h du matin pour voir le soleil se lever. J’ai ouvert les yeux devant une magnifique explosion de lave, sur un ciel s’éclaircissant peu à peu et un soleil offrant un magnifique spectacle de variations de couleurs et de lumières. Ce lever de soleil restera sans aucun doute gravé pendant longtemps comme le plus beau que j’ai pu voir dans ma vie. C’était magique de se réveiller devant ce calme et cette immensité de la nature. Nous sommes restés allongés dans la tente, bien au chaud dans nos sacs de couchage, porte ouverte et tête vers l’horizon pendant près de deux heures, à s’émerveiller.





Nous avons ensuite pris notre petit-déjeuner avant d’entamer la descente vers 8h. Cette étape est bien plus rapide (2h30) mais il faut faire attention à ne pas glisser. On y croise aussi la relève, des randonneurs tout frais et motivés, curieux de savoir si le spectacle était à la hauteur des efforts fournis.



Nous avons retrouvé Catalino qui nous a tous félicités et remerciés d’avoir choisi son association pour faire cette ascension. Nous avons repris la route vers Antigua en fin de matinée. A notre arrivée, nous nous sommes quelque peu précipités dans la douche de notre auberge. Je n’avais pas enlevé mes chaussettes pendant plus de 24h mais je n’avais jamais eu les pieds aussi noirs. On avait de la poussière partout ! Sous les ongles, dans les cheveux emmêlés, dans le nez et sur le visage. Quel bonheur de tomber, sans le savoir, sur ce que nous avions nommé avec nos compagnons de randonnée la veille, le trio gagnant : eau chaude, pression et mitigeur. Une denrée rare au Guatemala et en Amérique Centrale ! Une fois tout propres, nous nous sommes offert un bon burger dans le restaurant de l’auberge pour nous féliciter. Nous sommes allés porter nos affaires à la laverie puis nous avons passé le reste de l’après-midi à se reposer à l’auberge. J’ai eu très mal aux genoux la première journée mais assez peu de courbatures.
Découverte de l’ancienne capitale
Dès le lendemain, ça allait déjà mieux. Poursuivant sur notre lancée, nous avons beaucoup marché et déambulé dans les rues d’Antigua Guatemala, l’ancienne capitale. Nous avons beaucoup aimé cette ville joyeuse et colorée, témoin d’une belle architecture coloniale.









C’est fou, à l’heure où j’écris ces mots, ça fait déjà un mois que nous sommes redescendus de l’Acatenango mais je ne suis pas redescendue de mon nuage. J’ai encore des étoiles plein les yeux. C’était extraordinaire ! Je me sens très chanceuse mais aussi très fière d’avoir vécu ça, d’être allée au bout.
N’oubliez pas cette étape incontournable si vous êtes de passage au Guatemala !
Repos sur la côte Pacifique
Nous avons ensuite pris quelques jours de repos bien mérité sur la côte Pacifique, dans une auberge en bord de plage. Mon copain avait encore assez de forces pour se confronter aux vagues sur une planche de surf. Moi, je me suis globalement confrontée aux hamacs. J’ai pris du temps pour moi, j’en ai profité pour bouquiner et avancer sur mes articles. Nous avons retrouvé par hasard Aniek, notre acolyte néerlandaise (on se suit depuis le Bélize), ainsi que d’autres français qui étaient avec nous pour l’ascension, autour de quelques bières et quelques soirées pour clôturer le séjour en beauté.






J’ai adoré le Guatemala, alors qu’il n’était pas sur notre liste de départ. Diversité des paysages, richesse culturelle, générosité des locaux, je ne peux que vous conseiller d’y passer si vous prévoyez de visiter l’Amérique Centrale. Un vrai coup de cœur !