Comme je te le racontais dans mon article précédent, lors de notre passage à Semuc Champey nous avons participé à un atelier autour du cacao, organisé par l’éco hostel Utopia. Nous en avons appris plus sur l’arbre et son utilisation dans le monde maya puis nous avons découvert les différentes étapes de fabrication du chocolat. C’était très intéressant et plutôt facile ! Je pense que j’essayerai d’en refaire à la maison.
J’avais envie de repartager les étapes et ce qu’on a appris, pour tous les amoureux du chocolat et ceux qui n’avaient aucune idée du procédé de fabrication. Personnellement, j’étais dans les deux teams.
L’histoire du cacaotier
Le cacaotier (ou cacaoyer), contrairement aux autres arbres fruitiers, a sur ses branches des fruits de différentes maturités en même temps, du bourgeon à la fleur, au fruit (la cabosse qui contient les fèves). C’est pourquoi les mayas le considéraient comme un don des dieux, un arbre sacré. Le cacao était utilisé dans des cérémonies mais aussi dans la vie de tous les jours, notamment pour cuisiner. Par exemple, la poudre mélangée à des épices était utilisée comme boisson pour le matin, la pâte de cacao pour assaisonner la viande. Ça te rappelle peut-être un épisode avec une sauce au cacao dans un plat salé ? C’est de là que vient la traditionnelle mole, goûtée au Mexique.


Ils l’utilisaient aussi comme monnaie d’échange. Avec cinq ou six cabosses, ils pouvaient obtenir un peu de protéines (un lapin, par exemple) et il en fallait une centaine pour un esclave. Je ne savais pas que les mayas avaient des esclaves…
Ce sont les moines espagnols qui ont inventé le chocolat comme on le connaît aujourd’hui, en essayant de le rendre moins amer et plus doux, en ajoutant du lait, de la canne à sucre ou encore du miel, car ils n’aimaient pas le goût originel chez les mayas (très amer et pimenté car mélangé au piment chili). Il n’était pas possible de produire du chocolat à grande échelle il y a deux cents ans car il fallait être capable de le tempérer et il n’y avait pas de possibilité de le conserver au frais. Le beurre de cacao fond très vite, il a un peu le même comportement que l’huile de coco (dur au frais, liquide sous la chaleur). Aujourd’hui, pour faire du chocolat comme on le connaît dans le commerce, la poudre et le beurre de cacao sont séparés puis réassemblés, en y ajoutant de nombreux additifs comme le sucre et même de la parafine (même composant que la cire de bougie). Cela permet par exemple de garantir le maintien d’une barre de chocolat en un seul bloc, même en ayant un peu fondu.
Un cacaotier vit une centaine d’années. Il faut environ 45 ans pour qu’un jeune arbre produise du cacao. Pour accélérer la production, les grands producteurs font des boutures d’arbres déjà producteurs, ce qui donne des variétés différentes et explique les variations de couleurs de cabosses. Ce processus permet d’avoir des fruits sur un arbre au bout de deux ans !
Le producteur d’Utopia a sur ses terres une moitié d’arbre ayant naturellement atteint leur maturité pour produire et une moitié ayant bénéficié de boutures. Il nous a attesté ne pas avoir remarqué spécialement de différence de goût, de texture ou de qualité du produit. Impossible de vérifier mais j’ai envie de croire en sa bonne foi. Pour lui, la qualité du produit fini réside principalement dans ses apports lorsqu’il est consommé dans son entièreté et non séparé pour être reconstitué (ainsi que les ingrédients avec lesquels il est associé bien sûr). Sa production est limitée et la plus naturelle possible. Il gagne sa vie en vendant ses fèves et non le produit fini. Lorsqu’il en fabrique (plutôt pour sa consommation personnelle ou pour ses ateliers), son chocolat n’est composé que de cacao et de sucre (généralement peu raffiné) ainsi que de condiments ou assaisonnement pour varier les goûts, comme du piment, du miel, de la cannelle, du sel, etc.


Du fruit à la bouche
Il faut six mois entre l’apparition de la fleur et la cabosse prête à être récoltée. Lorsque la cabosse arrive à maturité, le délai de récolte est d’une semaine avant qu’elle ne soit grignotée par les oiseaux puis les insectes et donc perdue. C’est pourquoi la récolte est un travail de longue haleine tout au long de l’année. Il n’y a pas vraiment de saison comme pour les autres fruits.
Notre maître d’un jour, né au Guatemala de parents américains, nous a expliqué pourquoi des scandales sur du travail d’enfants avaient récemment éclaté dans le milieu du chocolat. Sans défendre les industriels pour autant, il a compris et observé qu’il est de tradition dans ces régions de travailler en famille pour travailler plus vite, gagner plus d’argent et ainsi fournir un meilleur confort de vie à l’ensemble de la famille. Les grosses entreprises n’emploieraient pas directement des enfants mais les parents ayant des opportunités de ramasser du cacao les emmèneraient avec eux, comme ils les emmènent dans leurs propres plantations de maïs ou les font travailler dans leur ferme. Nous avons nous-mêmes croisé beaucoup d’enfants de vendeuses ambulantes suivre leur mère, un panier à la main ou autour du cou, offrant le meilleur prix aux passants. Ça permet aussi d’amadouer et de vendre plus. C’est triste mais c’est une réalité… D’autant plus que j’ai cru comprendre que les enfants de ces villages n’allaient pas à l’école… Pour revenir sur le chocolat, les guatémaltèques ont de l’or marron entre leurs mains et ne peuvent pas l’exploiter à sa juste valeur car ils n’ont pas les techniques ni la formation pour produire en grande quantité. Aujourd’hui, il y a cinq intermédiaires entre la récolte et la revente avant atteindre l’usine pour débuter la fabrication. Après avoir vu ça, je mesure encore plus l’importance de soutenir des projets sociaux locaux ou des labels comme le commerce équitable.
L’intérieur d’une cabosse de cacao est surprenant à première vue. La fève est entourée d’une matière gluante blanche. On peut la manger comme ça en la suçant comme un bonbon. Le goût ressemble à un mélange de litchi et de mangue. C’est très fruité et très bon ! La fève en elle-même est amère mais j’ai bien aimé après le goût sucré. Une cabosse contient environ quarante fèves.


Une fois les cabosses ouvertes, les fèves sont mises à fermenter avec leur enveloppe blanche pendant une semaine dans un pot. Des petits insectes font le travail de grignoter la couche blanche. Ensuite, les fèves sont séchées au soleil avant d’être chauffées un peu sur une plaque chaude (5-10 min). Pour fabriquer son chocolat, il est conseillé d’acheter des fèves le moins travaillé possible (juste séchées au soleil par exemple) et de les chauffer ensuite soi-même pour garder le contrôle sur le goût et les propriétés. Les industriels ont tendance à les chauffer pendant plus longtemps car ce processus permet de faciliter le retrait de la coquille en plus d’atténuer l’amertume mais comme tout aliment, plus elle est chauffée, plus la fève va perdre ses propriétés nutritionnelles.



La coquille de la fève garde très bien la chaleur donc il faut faire attention à ne pas se brûler en la décortiquant. Une fois toutes les fèves décortiquées et mises de côté dans un plat, on peut les faire sauter (hors du feu comme des crêpes) pour évacuer les poussières de coquilles restantes. C’est la technique de notre producteur mais j’imagine que ça fonctionne aussi avec une passoire ou un chinois. Les industriels utilisent de gros ventilateurs.
Avant de jeter les coquilles, on peut préparer un thé en les faisant infuser dans de l’eau chaude. C’est un peu amer, on peut adoucir en ajoutant du miel. Ça n’a pas vraiment le goût d’un thé, je ne saurai pas décrire. Ce n’est ni bon ni mauvais mais c’était intéressant de goûter. C’est une boisson avec de très bonnes qualités nutritionnelles.




Enfin arrive l’étape de fabrication du chocolat lui-même : le plus simple ! Les fèves sont mixées avec un peu de sucre. Avec la chaleur qui se dégage en mixant, le beurre de cacao fond et on obtient une pâte. Chaque étape de mixage donne un goût différent. Plus on mixe, plus c’est doux. Le chocolat que nous avons fabriqué avait une teneur de 70% de cacao. Moins le sucre est raffiné, plus ça croustille sous la dent. Pour faire du chocolat liquide, il faut ajouter plus de sucre car le goût du cacao prendra le dessus au bout d’un moment. Pour faire un chocolat au lait, il faut ajouter du lait en poudre car l’ajout de liquide séparerait le beurre de cacao et l’ensemble ne pourrait pas se mélanger correctement.


On choisit un moule pour donner une forme à son chocolat, quelques épices et condiments et on envoie au frigo pendant une quinzaine de minute. J’en ai fait quelques uns avec des raisins secs dedans. C’était très bon mais différent de ce qu’on peut acheter dans le commerce car la pâte n’était pas vraiment lisse et le goût du cacao est plus fort.




Pour conserver nos fabrications, nous les avons ramenées dans notre gourde isotherme, par peur qu’elles fondent aussi vite qu’elles ont pris au frigo. Dans cette région, il est difficile de fabriquer un chocolat tempéré (c’est-à-dire sans passer par la case frigo) car il faudrait un laboratoire climatisé. Ce n’est pas l’esprit de la maison.
Nous avons conservé nos gourmandises environ trois jours, le temps de tout manger et de faire goûter à quelques voyageurs de notre auberge. Ils ont tous trouvé notre chocolat excellent !


Je recommande vraiment l’expérience pour les voyageurs de passage dans le coin ou dans toute autre partie du monde où il est possible de récolter du cacao. Hâte de tester d’autres recettes à la maison et de façonner un chocolat à notre goût.